ZZ Top "Eliminator" (1983)

La diffusion récente sur Arte du documentaire ZZ Top : That Little Ol' Band From Texas m'a donné envie de ressortir ce bon vieux Eliminator, le huitième album du trio texan sorti en 1983 et aussi leur plus grand succès commercial.

Le parcours de ce groupe est intéressant et surtout imprévisible : qui aurait pu imaginer à leurs débuts à l'aube des 70's que nos trois lascars, passés maîtres dans la fusion blues/rock, deviendraient dans les 80's des popstars dont les vidéoclips tourneraient en boucle sur MTV ? C'est vrai qu'on a tendance à oublier que Billy Gibbons (le barbu), Dusty Hill (l'autre barbu) et Frank Beard (pas barbu malgré son nom) jouaient du blues dans la plus grande tradition américaine en y ajoutant leur touche rock. Rien de très commercial, même s'ils avaient leur réputation dans le milieu (et un peu en dehors grâce au standard La grange). Cette passion et leur ancrage très "sudiste" ne les a pas empêchés se subir l'influence de la new wave venant d'Europe et les synthés ont discrètement fait leur apparition à partir de 1981 pour l'album El Loco. Les racines blues ont été recouvertes peu à peu par une volonté de changer de style, sonner plus "contemporain".

Eliminator est le fruit de cette envie : un disque qui va à l'essentiel. Le blues est représenté par seulement deux titres dont l'excellent TV Dinners. Le reste est du rock 80's, pas forcément complexe mais qui peut compter sur les superbes solos de guitare de Billy Gibbons et des mélodies imparables tutoyant parfois la pop (avouez que Gimme All Your Lovin est carrément énorme). L'électronique se fait entendre aussi via de boucles séquencées donnant des relents de disco aux dansants Sharp Dressed Men ou Legs. Alors certes, on peut comprendre que les fans de la première heure aimant le son bluesy root de ZZ Top aient été moins enthousiastes mais je trouve que l'ensemble de l'album est franchement cool et énergique. Le slow I Need You Tonight est imparable (la guitare est sublime) et il y a même un brin d'expérimentation sur Thug où la basse de Dusty Hill et une boucle synthétique se renvoient la balle pour un résultat très réussi.

En plus de cette évolution dans sa musique, le trio américain a aussi bénéficié du boum du vidéoclip grâce à la chaine musicale MTV. Les clips à l'imagerie identifiable (les rockers barbus, les belles cylindrées et les jolies filles) qui ont accompagné les singles d'Eliminator ont eu un impact commercial énorme. ZZ Top est devenu reconnaissable par le grand public, ils sont devenus de véritables popstars et l'album s'est vendu comme des petits pains. Ça a vraiment été un tournant dans leur carrière.

Pour la suite musicale, il aurait été dommage de s'arrêter en si bon chemin, et ZZ Top a enfoncé le clou de l'électronique et des synthés avec Afterburner en 1985, un disque jusqu’au-boutiste qu'on aime ou qu'on déteste mais ça, ce sera pour un prochain article...