Animal Man #1-18 (1988-89)

Suite au méga-succès critique et commercial de Watchmen : Les Gardiens écrit par l'Anglais Alan Moore, l'éditeur DC Comics partit à la recherche de nouveaux talents en provenance du Royaume-Uni afin de donner un nouveau souffle à sa production. C'est ainsi qu'ils repérèrent l’Écossais Grant Morrison à qui ils confièrent une petite "mission-test" : ressusciter un vieux personnage inutilisé de l'univers DC et lui signer une aventure en quatre numéros. Le choix du scénariste se porta sur Animal Man, super héros de second rang (voire troisième ou quatrième) ayant connu quelques aventures dans les années 60. Avec Chas Truog au dessin, Morrison réécrit donc le destin de Buddy Baker, époux et père de famille qui acquiert le pouvoir de s'approprier toutes les capacités des animaux qui l'entourent. Les quatre numéros contractuels sont un succès commercial et Animal Man se transforme logiquement en série mensuelle.

Sauf que, de l'aveu même de l'auteur, le concept du super héros végétarien protecteur des animaux, aussi original soit-il à l'époque, allait vite atteindre ses limites artistiques. Il fallait trouver une approche scénaristique plus folle et c'est là que surgit le coup de génie : donner progressivement à la série une dimension "méta" en dynamitant les codes de la narration et en brisant le quatrième mur. C'est ce qui justifie la récente réédition française chez Urban Comics en deux volumes des 26 numéros scénarisés par Grant Morrison entre 1988 et 1990.

Déjà, j'adore les planches ultra-colorées des 80's et le dynamisme de leur découpage. Le dessin de Truog n'est peut-être pas le plus fin, mais il a du charme et est bien plus agréable à regarder que le style surchargé qui pourrira beaucoup de comics dans les 90's. Mais ce qui bluffe le plus, c'est la créativité scénaristique de Morrison qui nous surprend à chaque numéro avec une nouvelle idée, dans un incroyable numéro d'équilibriste à la lisière entre la maîtrise et la roue libre totale. Au fil des numéros, le destin du héros prend des allures de trip halluciné, croisant des personnages tous plus fous les uns que les autres et emboitant petit à petit toutes les pièces disséminées au fil des épisodes par l'auteur jusqu'à une conclusion aussi géniale que délirante où le héros admet enfin sa vraie nature. Alors oui, certains passages sont parfois foutraques mais l'ensemble transpire l'audace, la sincérité... et se dévore sans modération !