Le professionnel (1981)

Suite au décès de Jean-Paul Belmondo la semaine dernière, je vous propose une petite chronique du Professionnel, son deuxième plus gros succès au box office dans les 80's derrière L'as des as.

L'histoire : Jean-Paul Belmondo est Josselin Beaumont, un agent secret envoyé en Afrique pour assassiner un dictateur ennemi des intérêts français. Sauf qu'entre temps, la situation politique a changé et les services secrets français n'ont plus intérêt à abattre le colonel africain. Plutôt que de faire revenir Beaumont au bercail, ils le dénoncent aux autorités africaines sous l'ordre de l’Élysée. Aux bout de deux ans de bagne où il a subi de nombreux sévices, Beaumont parvient à s'évader et à regagner la France. Il n'a plus qu'une seule idée en tête, se venger de ses supérieurs en accomplissant sa mission initiale : assassiner le dictateur alors que celui-ci est en voyage diplomatique à Paris.

Avouez que le pitch est excellent. D'après Wikipedia, il s'agit de l'adaptation d'un roman britannique intitulé Mort d'une bête à peau fragile. A la mise en scène, on retrouve Georges Lautner, vétéran prolifique du cinéma français à qu'il l'on doit entre autre le multi-rediffusé Les tontons flingueurs (1963). Le professionnel est sa troisième collaboration en trois ans avec Belmondo après Flic ou voyou et Le guignolo. L'acteur est alors au top de sa popularité. En témoigne l'affiche avec son nom en haut en grand, ainsi que la présence de sa seule figure, revolver à la main, le désignant comme l'unique héros du film. Pas besoin de plus pour attirer les spectateurs : ils achètent leurs tickets pour voir Belmondo en action et ils ne vont pas être déçus. Avec cinq millions d'entrées en salles, le film sera le quatrième plus gros succès de l'année 1981 en France et il sera le meilleur score de toute la carrière de Lautner. C'est assez remarquable pour un metteur en scène ayant démarré à la fin des années 50.

En lisant des commentaires en-dessous d'un extrait du Professionnel sur Youtube, j'ai été surpris de constater à quel point ce film est populaire dans toute l'Europe ! Certains faisant même l'éloge du cinéma français de l'époque ! On a tendance à oublier que, avant l'explosion du cinéma d'entertainement hollywoodien dans les 80's qui a tout submergé avec son avalanche de blockbusters et son action over the top, le cinéma de genre européen était ultra-dynamique dans les années 60-70. Les premiers fournisseurs étaient les Italiens avec leurs westerns, polars, giallos, films fantastiques et d'horreur. Les Anglais avaient un don prononcé pour la SF et le fantastique, tandis que les Français avaient un faible pour le polar (mâtiné d'action quand Bébel était de la partie). De plus, en orientant son registre vers des rôles de plus en plus physiques (avec cascades spectaculaires sans doublure en prime), Jean-Paul Belmondo est devenu, si ce n'est l'unique, tout du moins "l'action hero" le plus connu du cinéma européen (encore aujourd'hui).

Dans notre film du jour, l'acteur use toujours de son inimitable gouaille même si Lautner parvient à insuffler au métrage une atmosphère désenchantée (malgré l'utilisation un peu "gimmick" du thème musical mythique d'Ennio Morricone). En gros, le héros sait quel destin l'attend et le spectateur aussi. Le jeu du chat et de la souris avec le commissaire Rosen (interprété magistralement par Robert Hossein) est très efficace et leur duel, reprenant les codes du western, est franchement marquant. Il y a vraiment une bonne ambiance dans ce film qui est imprégné de l'esprit parfois brut de décoffrage de la décennie précédente, notamment via la nudité à l'écran, la course-poursuite en bagnole au cœur de Paris ou la présence de cette "femme de main" dominatrice et lesbienne ! Pas de studios, le film été tourné en décors naturels et, rien que pour ça, c'est un formidable témoignage visuel de la France du début des 80's, de ses rues, de ses voitures, de ses bistrots... Et j'ai également bien apprécié la façon frontale dont est traité le thème politique de la Françafrique et les relations ambigües entre la France et ses anciennes colonies. En tous cas, l'histoire est vraiment accrocheuse et la tension est palpable. C'est un vrai bon thriller emmené par un Jean-Paul Belmondo toujours impeccable.