Rambo (1982)

Sept ans après la guerre du Vietnam, l'ancien béret vert John Rambo erre de ville en ville depuis son retour aux États-Unis. Après avoir rendu visite à la famille d'un ancien compagnon d'arme, il reprend sa route et traverse la petite ville de Hope. Là, il est immédiatement pris en grippe par le shérif autoritaire Will Teasle qui le somme de partir, arguant qu'il ne veut pas voir de vagabonds trainer dans sa juridiction. N'obtempérant pas, Rambo est interpellé et amené au commissariat. Sur place, les brimades des policiers lui rappellent les heures sombres de son service au Vietnam où il fut torturé. Il finit par se révolter et neutralise les agents avant de prendre la fuite. Une course-poursuite s'engage alors avant de se transformer en véritable chasse à l'homme dans la région montagneuse entourant Hope...

Je ne suis pas un grand fan des films d'action américain et c'est vrai que je suis passé au travers d'une grande partie de la filmographie de Sylvester Stallone (avec son orientation plus SF, celle d'Arnold Schwarzenegger me bottait plus). Enfin, tout ça pour dire qu'en dépit du statut de personnage culte qu'a John Rambo, je n'avais jamais vu sa première "aventure" en entier jusqu'à il y a peu ! Une occasion de confirmer "de mes yeux vus" que le vétéran du Vietnam n'est pas à la base l'archétype du héros d'action sans épaisseur tel que les médias ont pu le parodier par la suite. Bref, Rambo est l'adaptation du roman Le premier sang écrit par David Morrell et publié en 1973 (d'ailleurs, le titre original du film est First Blood). A l'époque, Sylvester Stallone est très populaire puisqu'il est déjà le héros d'une autre saga mythique entamée en 1976 : Rocky. En 1982, l'acteur américain va tout casser au box office en sortant coup sur coup Rocky III : L'oeil du tigre et Rambo. Ces deux séries de films deviendront emblématiques d'un certain cinéma populaire hollywoodien dans les 80's et feront partie des plus gros succès commerciaux de leur interprète.

Si la figure de John Rambo est souvent citée comme étant le porte-emblème du cinéma hollywoodien dit "Reaganien" avec son discours vantant l'Amérique conquérante, c'est surtout à cause de ses deux suites à la tonalité différente, moins subtile. Car ce film original n'est pas un simple film d'action bas du front, il a un vrai background social concernant la réinsertion ratée des vétérans du Vietnam. C'est un fait établi, les soldats américains revenu de cette guerre n'ont bénéficié que d'un soutien administratif ou psychologique minimal à leur retour et nombreux sont ceux qui n'ont pas su reprendre une vie normale après un tel traumatisme. Certains sont tombés dans la pauvreté ou dans la folie pure. Rambo représente ces gens jugés asociaux qui ont sacrifié une partie de leur vie au service de la "nation" et qui se retrouvent maintenant ignorés, voire méprisés par celle-ci. Ce n'est pas tant la guerre qui est critiquée ici que l'accueil qui est fait à ses anciens "héros". Ceci dit, il est quand même fait mention en début de métrage des ravages causés par l'agent orange, une arme chimique utilisée par les Américains, sur ses propres troupes. Tout ça pour dire que non, le scénario de ce premier Rambo n'est vraiment pas écrit à la gloire de l'Amérique.

Au-delà de cet aspect politico-social, ce film est une jolie réussite d'un point de vue technique. Je ne connais absolument pas le reste de la filmographie de Ted Kotcheff, mais sa réalisation est ici exemplaire. Les paysages naturels canadiens qui ont servi de décors sont superbes et magnifiquement mis en valeur. La traque de Rambo dans les bois est un modèle de mise en scène. On est vraiment dans le genre "survival" où le traqué devient le prédateur. Le réalisateur exploite à merveille le décors de la forêt, humide et touffue. Impossible que John McTiernan n'ait pas été influencé consciemment ou pas pour son Predator sorti cinq ans plus tard. On peut noter au passage que Sylvester Stallone a fait modifier légèrement son personnage lors de son passage du livre au film. Psychopathe et assassin dans le bouquin, il tente tant que faire se peu que de neutraliser ses traqueurs sans les tuer dans le film, ce qui lui laisse quand même une chance de rédemption. Aparté terminé, voilà un film d'action aux qualités artistiques supérieures à la moyenne du genre (de nombreuses séries B s'en inspireront en n'en retenant que l'aspect le plus primaire). La narration est nickel et la suspense très efficace, du tout bon.

Véritable succès au box office, Rambo marquera le début d'une saga qui compte à ce jour cinq films. Rambo : Last Blood, le dernier en date, est sorti en 2019 (avec un Stallone agé de 73 ans !). La série a pris une tournure commerciale dès le deuxième film et, même si l'opus John Rambo de 2008 a tenté d'introduire de nouveau du contenu politique, l'original de 1982 reste l'épisode le plus abouti artistiquement parlant.