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Batman (1989)
Voici LE blockbuster de 1989. Je me souviens de la folie commerciale qui avait entouré le Batman de Tim Burton. C'était incroyable : TOUT était floqué du blason jaune et noir de l'homme chauve-souris (cartables, trousses, céréales, slips kangourou) et les produits dérivés étaient légions. Les médias avaient appelé ça la "Bat-Mania".
Il faut rappeler qu'à l'époque, les films de super héros ne squattaient pas les salles de ciné comme maintenant. De plus, leur qualité était discutable pour un bon nombre d'entre eux (qui a dit Supergirl, Superman IV ou Howard... une nouvelle race de héros ?). Le cas du Batman en chair et en os est intéressant puisqu'il était absent des écrans depuis une vingtaine d'années, soit depuis la fin de la série aussi mythique qu'hilarante des 60's. L'eau a coulé sous les ponts. Les comic books ont perdu leurs couleurs flashy pour laisser place aux ténèbres dans les 80's sous l'influence de nouveaux auteurs tels que Frank Miller. Sur papier, Batman est devenu plus torturé et Gotham City, moins éclairé. Hollywood s'est surtout emparé de cette nouvelle orientation esthétique pour relancer les aventures du héros sur grand écran avec un budget maousse.
Ainsi, ce qui marque avant tout les esprits à la vision du film de Tim Burton, c'est son aspect visuel avec Gotham City et son architecture aussi incroyable qu'outrancière rappelant le style gothique, ses rues sales, ou ses policiers en cuir et ses inspecteurs en pardessus façon oldschool. Les indices temporels sont brouillés, on est dans une dimension parallèle à la lisière du fantastique. La nuit semble permanente. Le héros a un costume d'enfer et son bolide a un design à tomber par terre. Cet univers incroyable, on le doit en grande partie à Anton Furst, le chef décorateur. Esthétiquement, ce film a énormément de personnalité.
L'histoire est simple (simpliste ?) : lors d'une opération de police, le truand Jack Napier tombe dans une cuve de produit chimique et en réchappe complétement fou. Devenu le Joker, il n'a qu'une idée en tête : se venger de celui qu'il rend responsable de son état : Batman. Ne cherchez pas un quelconque message politique, on est dans le pur divertissement dont le scénario est uniquement prétexte à relier comme des tableaux les scènes de comédie (grâce à un Jack Nicholson déchaîné) ou les scènes d'action. Il n'en demeure pas moins que le film comporte son lot de séquences mémorables entre les exécutions cartoonesques du Joker, son goût douteux pour l'art, les apparitions quasi-fantomatiques du héros, les envolées folles du Batwing ou encore le grand final dans la cathédrale de Gotham, le tout transcendé par la musique orchestrale épique de Danny Elfman. Bien que sa patte d'auteur soit quasiment invisible ici (c'est un pur film de commande), Tim Burton a emballé ça avec une efficacité indéniable.
Bref, malgré quelques fautes de goût dues à son statut de blockbuster (la musique de Prince et le rôle de potiche de Kim Basinger), Batman reste un très bon film de super héros. Celui-ci deviendra à sa sortie le meilleur démarrage d'un film aux États-Unis, battant le record qu'avait établi S.O.S. Fantômes II la semaine précédente. Fort de ce succès commercial, la Warner laissera à Tim Burton le soin de réaliser la suite avec plus de libertés artistiques. Le réalisateur en profitera pour s'approprier complétement l'univers délirant du chevalier noir et signer LE meilleur Batman encore à ce jour (et le moins commercial) : Batman, Le défi. Est-il nécessaire de rappeler la tournure que prendra la franchise par la suite lorsque la Warner décidera de cibler le public enfantin et pré-ado avec deux purges abominables ? Non, Batman Forever et Batman & Robin n'ont jamais existé !