La créature du lagon : Le retour (1989)

Ceci n'est pas une défaillance de votre écran. Par la magie de la distribution vidéo, la créature du marais s'est transformée en créature du lagon en arrivant chez nous ! Le distributeur français avait-il en tête Creature From The Black Lagoon (titre orignal de L'étrange créature du lac noir de 1954) ou était-il simplement atteint de je-m'en-foutisme aigu ? Ou bien cette erreur aussi grossière que ridicule est-elle simplement le fruit de ces deux causes simultanément ? En tous cas, ça prouve une fois de plus que toutes les personnes travaillant dans ce secteur ne sont pas forcément cinéphiles, ni même un minimum passionnées. Mieux vaut en rire...

Le pitch : le savant fou Anton Arcane n'est pas mort ! En quête de l'éternelle jeunesse, il dirige dans son manoir des expériences dignes du Dr Frankenstein sur des êtres humains. Sa prochaine victime pourrait être Abigail, sa belle-fille qu'il a invitée. Mais la créature du marais veille au grain, bien décidée à affronter de nouveau Arcane et ses sbires.

Profitant sans doute de la sortie du Batman de Tim Burton, la créature du marais faisait un come-back inattendu sur grand écran sept ans après se première aventure cinématographique réalisée par Wes Craven. Pour succéder au maître de l'horreur : Jim Wynorski alors en début de carrière et qui a réalisé une paire de séries B parait-il pas mal du tout dans les 80's (j'avais trouvé son Shopping de 1986 plutôt fun avec ses robots gardiens poursuivant des post-ados dans les couloirs d'un centre commercial). La créature du lagon : Le retour est peut-être le plus gros budget de sa filmographie longue comme la muraille de Chine ! A partir des 90's, il abandonnera définitivement ses maigres velléités artistiques pour tourner des téléfilms de tous genres à une cadence industrielle. Téléfilms familiaux, d'horreur, catastrophes, érotiques, tout y passera, avec ou sans pseudo, mais avec un rythme tellement convaincant qu'il n'a jamais chômé. En bref, c'est une sorte de fonctionnaire d'Hollywood. Du bonhomme pour bien vous marrer, je vous conseille L'île des komodos, un nanar de premier choix.

Notre film du jour, lui, n'est pas un nanar. Il est même plus réussi que le premier opus de 1982 réalisé par Wes Craven ! Rien que le générique envoie du lourd avec des illustrations issues des comics qui défilent sur de la musique rock. Ensuite, on se rend rapidement que le ton se veut plus décontracté avec pas mal d'humour et un esprit "série B" très assumé notamment via sa galerie généreuse de monstres mutants vraiment réussie ! Le costume du héros est également bien plus convaincant que la combinaison de plongée customisé du premier film (c'est toujours le même Dick Durock qui est en-dessous). Les fans hardcore de la BD ont sans doute crié au scandale en constatant cette légèreté mais je trouve que ça fonctionne bien ici. Le spectacle est sans prétention, plutôt rythmé et les maquillages en latex sont sympas. Il faut juste supporter un duo de gamins dont le rôle est évidemment d'amadouer le public familial. A noter la performance du petit gros dont le jeu est tellement approximatif que ça en devient touchant.

Coté casting, on est surpris de voir Louis Jourdan rempiler dans le rôle du bad guy après la déconfiture artistique du premier film (venait-il de recevoir sa feuille d'impôts avant de signer ?). Blague à part, il reste professionnel en faisant le minimum. L'autre surprise, c'est de retrouver Sarah Douglas (la super-méchante qui casse tout dans Superman II). Elle a peut-être le rôle le plus intéressant du film (c'est à dire qui a plus d'une dimension). Nièce d'Arcane dans la BD, Abigail est sa belle-fille ici sous les traits de la blonde Heather Locklear qui joue les ingénues avec un naturel inquiétant. Sa relation avec la créature du marais relève du conte de fée, mais là encore c'est parfaitement avec l'ambiance colorée du métrage.

En bref, voilà une série B bien sympatoche qui donnera naissance dans la foulée à une série TV diffusées au Etats-Unis pendant trois saisons de 1990 à 1993. Puis la créature est retournée dans son marais jusqu'à ce que je découvre par hasard qu'une série, déjà écourtée et renouant à en croire les images avec l'esprit plus sombre de la BD, a été produite cette année.