Gary Numan "Strange Charm" (1986)

Sorti en 1986, Strange Charm est déjà le huitième album solo du prolifique Gary Numan. C'est aussi un des premiers albums électropop que j'ai acheté. Figure incontournable de la période new wave dès la fin des 70's avec une voix reconnaissable entre mille et un style froid et mécanique imparable entre rock et électro (qui donnera les singles cultissimes Are Friends Electric ? avec son groupe Tubeway Army et Cars en solo), l'artiste britannique s'est essayé brièvement à une fusion électro/funk avant d'entamer un virage plus pop, mais toujours électronique, au milieu des années 80.

Dans la lignée de l'album précédent (The Fury publié en 1985), Numan continue de poser sur ses rythmiques lourdes des chœurs féminins et des solos de saxophone endiablés et on ne peut plus 80's. Huit chansons composent ce disque. Il est vrai que cette période allant jusque 1992 est considérée comme la plus commerciale de l'auteur mais, au regard des standards de la pop music actuelle, cet album s'avère rétrospectivement assez rock & roll et pas si formaté que ça. La production est à la fois très ancrée dans son époque et, en même temps, plutôt froide et agressive avec ses sons métalliques. Alors évidemment, les solos de saxo et de guitare se répondant sur Unknown And Hostile font too much. Tout comme les sept minutes assez gavantes de The Need et son saxo envahissant. Mais cet opus contient aussi de vrais pépites : My Breathing avec son thème simili-oriental est carrément génial de puissance et d'envoûtement. Plus minimaliste, The Sleeproom est aussi une pure merveille de pop électronique atmosphérique. Enfin, mon troisième coup de coeur est This Is Love, une ballade tout simplement sublime. A coté de ça, New Thing From London Town et I Can't Stop sont orientés clubbing et produits sous forme de rouleaux-compresseurs hypnotiques, histoire de faire trembler les murs des clubs new wave.

Peut-être que la subtilité est moins de mise que dans les premiers albums de l'artiste. C'est vrai aussi que Strange Charm n'est pas parfait mais ça reste pour moi un album agréable et bien plus intéressant que ce que produisent beaucoup de jeunes artistes électropop actuels avec leur musique d'ascenseur. Au moins ici, on sent de la personnalité dans les textes (souvent désabusés) comme dans la production. C'est parfois outrancier mais c'est peut-être ce qui fait son charme étrange.

Malheureusement, après ce disque, Gary Numan s'évertuera à garder la même recette en la rendant à chaque fois de plus en plus insipide. Il entamera une longue descente aux enfers aussi commerciale qu'artistique jusqu'à l'aube des 90's. Puis, à la surprise générale, il tournera d'un coup le dos à la pop et entamera une nouvelle carrière à partir de 1994 dans une sorte de fusion électro/rock industriel, changement de style qui le remettra sur le devant de la scène. J'avoue ne pas accrocher à cette dernière orientation, d'autant plus qu'il est carrément parti dans un délire esothérique aussi bizarroïde que lourdaud, délire qui envahit ses textes.