Challenge The Ninja (1986)

Challenge The Ninja, c'est un destin dramatique. Celui du jeune Billy qui n'a plus qu'une idée en tête : venger la mort de sa famille tuée par un gang mené par le machiavélique Ted Devil. Pour ce faire, il peut compter sur ses aptitudes à distribuer des tatanes, mais également sur l'aide de son ami Mark qui est officier de police et ninja à ses heures perdues.

Preuve que ce blog est dédié au cinéma de qualité, notre film du jour est le cinquième de Godrey Ho chroniqué, ce qui fait de ce roi du nanar le réalisateur le plus représenté actuellement dans ces colonnes (je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer). Bref, à l'instar de Clash Commando ou Ninja : American Warrior, notre Docteur Frankenstein du cinéma asiatique pratique avec Challenge The Ninja une discipline dont il est la maître absolu : le 2-en-1. Prenez une obscure série B (en l’occurrence le Philippin Twin Fists For The Blackmasters de 1979 selon IMDB) et insérez-y des séquences de votre crû tournées vite fait mal fait dans un jardin public derrière chez vous avec des comédiens occidentaux de seconde zone. Par la magie du montage et du doublage, modifiez sensiblement l'histoire, afin que les greffons prennent et voilà une production d'action sans queue ni tête et pas chère destinée aux salles de quartier miteuses ou aux bacs à VHS au rabais.

Inutile de préciser qu'une œuvre de Godfrey Ho ne peut s'apprécier qu'au quarante-douzième degré. Ce qu'on attend, ce ne sont pas les qualités artistiques inexistantes du produit, mais la touche de son géniteur se matérialisant par des subterfuges de narration à base de montage tarabiscoté, ainsi que par des combats de ninjas au potentiel hautement comique. Et sur les deux tableaux, on est servis avec une belle démonstration dans le genre "le montage pour les nuls". On apprécie à ce titre l'art du champ/contre-champ poussé dans ses derniers retranchements. Dans une séquence occidentale, un acteur tend un document à une supposée personne hors champ. Dans le plan d'après, on revient à la partie asiatique avec un mec qui sort d'un bureau avec le même document dans les mains, la jonction entre les films est magnifique ! On a une autre scène éloquente dans un cimetière où Billy (du métrage de 1979) parle à un interlocuteur hors champ qui [changement de plan] s'avèrera être l'occidental Bruce Baron, avec un mur derrière lui ressemblant vaguement à celui du cimetière original ! Quand on y repense, le lien entre les deux univers n'apportent absolument rien à l'intrigue nébuleuse mais ce genre de petits trucs donne la banane.

Si la partie philippine contient quelques éléments amusants (les cagoules à pompons des bandits, un chien lancé sur Billy ou la présence aussi brève qu'iconoclaste d'un sumo), elle peut aussi s'avérer un poil gavante avec ses bastons continuelles et interminables. C'est pas du Tsui Hark, c'est de la grosse série B tournée basiquement et on frôle l'indigestion (heureusement qu'il y a une séquence d'entrainement rigolote au milieu). Par contre, dès qu'on passe aux scènes additionnelles filmées pas Godfrey Ho, le spectacle devient hautement plus fantaisiste et fun. Il est d'abord assuré par la "tête d'affiche" Bruce Baron dont le jeu de sourcils n'a d'égal que sa malchance, puisque des ninjas l'agressent à chaque fois qu'il sort de chez lui ! Heureusement, étant lui même un ninja (la preuve, c'est écrit sur son bandeau), il peut se transformer en branche pour taper le tibia d'un adversaire, mouliner des poignées et éviter les attaques au lance-pierre de ses adversaires. De bien belles séquences magnifiées par le cadre bucolique d'une cité HLM en arrière-plan.

Finalement, la seule chose qu'on ne pourra pas retirer à Godfrey Ho, ce sont ses bons goûts musicaux. Fidèle à son habitude, il illustre musicalement son métrage sans le moindre soucis du copyright : on a ainsi la surprise d'entendre Les chants magnétiques part 1 de Jean-Michel Jarre lors d'une scène de motos !